Histoire du Coupe-choux - Rasoir et miroir égyptiens antiques
Culture

L’histoire du coupe-choux

Découvrez l’histoire du coupe-choux, depuis la période antique jusqu’au XXIe siècle, en passant par la révolution industrielle.

Nous allons remonter à la nuit des temps… En effet, pour raconter l’histoire du coupe-choux, il faut remonter à l’histoire du rasoir tout simplement, et donc du rasage. Il y aurait de quoi remplir un livre entier, nous allons donc essayer de faire court, tout en passant en revue chaque étape importante de l’évolution du coupe-choux à travers les âges.

Il faut noter que le terme “coupe-choux” n’existait pas avant le vingtième siècle ! On disait alors “rasoir”, tout simplement, puisqu’on ne connaissait pas d’autres modèles ni d’autres façons de se raser.

Les rasoirs de la période Antique

Il est tout à fait possible que les hommes préhistoriques se rasaient, si tel était le cas ils utilisaient des silex taillés ou des coquillages, et ça ne devait pas être très confortable. Il est plus probable qu’ils s’en servaient plutôt pour raccourcir la pilosité plutôt que de la raser véritablement.

Les plus vieux rasoirs retrouvés dateraient d’environ quatre mille ans avant Jésus Christ, quand les humains découvraient la métallurgie. Les hommes de l’Egypte ancienne utilisaient une lame de bronze à multiples courbures et à crochet. Les Égyptiens étaient connus pour vouer un culte important de la propreté corporelle, qui passait par le rasage du corps entier.

Rasoir en bronze de l'âge de fer
Rasoir en bronze de l’âge de fer
Divers rasoirs antiques en bronze
Divers rasoirs antiques en bronze
Histoire du Coupe-choux - Rasoir et miroir égyptiens antiques
Rasoir et miroir égyptiens antiques

Chaque civilisation préférait telle ou telle forme pour la fabrication de ses rasoirs, il arrive d’en retrouver dans les sépultures, près des accessoires de la vie de tous les jours du défunt.

Le rasoir aurait été introduit à Rome au VIe siècle avant J.C par Tarquin. A l’époque des Romains, les lames étaient en fer et s’affutaient sur une pierre. Toutefois, le plus ancien rasoir en fer que l’on ait pu retrouver date du IIIe siècle. Le rasage était important pour les romains, qui célébraient même le premier rasage d’un jeune homme.

Les rasoirs antiques ne ressemblaient pas du tout au coupe-choux actuel. Ils ressemblaient plutôt à des racloirs et possédaient souvent un anneau, pour pouvoir le pendre au cou. En effet, le rasoir était alors multitâches, il s’agissait plutôt d’un couteau de poche, comme notre couteau suisse actuel. Il arrivait que le manche soit décoré, sculpté comme une figurine (aigle, cheval…). Cette tradition de porter une lame autour du cou, qui servait également de rasoir, a perduré dans certaines civilisations, notamment en Chine et en Afrique. Ensuite, le rasoir prit la forme soit d’un petit poignard à lame fine et pointue, soit à lame très ventrue mais avec un manche très fin et pliant.

Coupe-choux Chinois, XIXe siècle, replié.
Coupe-choux Chinois, XIXe siècle, replié.
Coupe-choux Chinois, XIXe siècle, ouvert.
Coupe-choux Chinois, XIXe siècle, ouvert.

Les barbiers et perruquiers

Pendant des siècles, il était très difficile de se raser soi-même, notamment à cause de la rareté et du prix des miroirs de qualité. Les rasoirs étaient eux-mêmes très rares puisque difficiles à fabriquer avec les technologies à portée. L’activité de rasage fut donc exercée par un corps de métier particulier : les barbiers. Difficile de parler d’histoire du coupe-choux sans les mentionner !

Ceux-ci pratiquaient la taille de la barbe, la coupe des cheveux, mais également de petites opérations chirurgicales (principalement des saignées et arrachages de dents). On les appelait alors barbiers-chirurgiens. Après quelques abus, ils furent interdits de pratiquer les actes chirurgicaux et sont redevenus barbiers au début du XVIIIe siècle. La mode de la perruque battant son plein jusqu’à la révolution française, les barbiers sont donc devenus barbiers-perruquiers.

Le rasoir coupe-choux, dans sa forme globale actuelle, apparaît autour du XVe siècle. Il était auparavant plutôt droit, comme les rasoirs de l’Extrême-Orient (rasoirs Kamisori), et les rasoirs pliants commencent à apparaître. Jusqu’en 1680/1740, il est difficile de faire la différence entre un couteau de poche et un rasoir, tant les formes et dimensions peuvent être semblables. Ensuite, le métier de barbier-perruquier se développant, les fabricants se mirent à développer plusieurs formes. Le rasoir personnel était encore fin, mais le rasoir de barbier-perruquier prit de la taille, et aujourd’hui le nom de “perruquier” désigne ce genre typique de rasoir. Il possède généralement une lame très large et très épaisse, sans crochet. L’usage du rasoir chez un barbier étant assez intensif par rapport à un usager simple, ils devaient souvent aller au repassage et la lame s’usait assez vite, ce qui explique leur taille. Le crochet n’existait pas encore, mais son absence ne gênait pas le barbier qui pouvait tenir son rasoir très droit, comme les anciens modèles.

Coupe-choux de perruquier Dumais Ainé, France, XIXe siècle..
Coupe-choux de perruquier Dumais Ainé, France, XIXe siècle..

Les révolutions françaises

Après la révolution française, les perruques disparaissent et le métier de barbier-perruquier s’en voit affecté. Juste après cette période, une autre révolution va marquer l’histoire du coupe-choux. Elle est menée par un personnage bien célèbre, un peu à son insu.

Napoléon Bonaparte, alors premier Consul, s’est laissé convaincre par son barbier personnel de se raser lui-même. Pas que le barbier fusse mécontent de son poste, mais Napoléon étant souvent en campagne et devant se lever à des heures irrégulières, il était préférable qu’il sache comment se raser si son barbier de confiance n’était pas disponible. Après un long apprentissage, celui qui devint alors Empereur finit par bien se raser et ne manqua pas de s’en vanter à ses généraux, ses amis, ce qui influença de nombreuses personnes de la haute société à faire de même. Les fabricants de coupe-choux, grâce à cette forte demande de clients fortunés, ont alors redoublé d’efforts pour proposer des aciers de qualité, mais aussi pour décorer leurs rasoirs de nombreux matériaux nobles. Ivoire, écaille de tortue, argent, or fin… C’est de cette période qu’est née l’expression se raser “à l’impériale”.

Avec l’évolution des techniques, des connaissances (notamment grâce au livre de Jean-Jacques Perret “La pogonotomie ou l’art de se raser soi-même”, édité en 1769, ou encore le “Traité sur la Pogonotomie” d’Alphonse Bouchard, en 1819) et des aciers, mais également grâce au choix de l’Empereur de se raser lui-même, de plus en plus de personnes peuvent se raser chez elles. D’abord les classes supérieures, mais très vite les classes moyennes également. Il est donc possible que l’apparition du crochet soit dû à ce changement d’utilisation, l’utilisateur à la maison ayant besoin d’une meilleure prise en main pour son rasoir. En effet la prise en main quand on se rase soi-même n’est pas la même que lorsque l’on raser quelqu’un d’autre. De nombreux changements dans le monde vont participer à l’évolution rapide du rasoir.

Vers un coupe-choux moderne

Certaines sources parlent de 1680 pour le premier coupe-choux proche de ce que nous utilisons aujourd’hui. Mais c’est surtout en 1740 que tout bascule. Benjamin Huntsman, célèbre métallurgiste, invente un nouveau mode de production de l’acier : l’acier au creuset ou acier fondu (cast steel). Cette nouvelle technique permettait d’obtenir des aciers d’une grande homogénéité et d’une grande dureté, idéals pour la fabrication d’outils tranchants, dont les rasoirs bien sûr. Quand cet acier fit son apparition sur le marché, les couteliers de Sheffield trouvèrent son travail bien trop dur, il abîmait les machines et prenait trop de temps à travailler. Ils refusèrent donc d’utiliser cet acier pour les rasoirs… au profit des Français, qui voyaient là une belle opportunité d’évolution technologique, et une belle perspective économique en dépassant leurs rivaux de Sheffield.

Bien leur en a pris, car les productions françaises se vendirent de mieux en mieux sur les marchés internationaux, au point d’inquiéter les couteliers anglais. Ceux-ci n’avaient guère plus de choix que d’accepter de faire de grands investissements pour se mettre à la page. La compétitivité industrielle était en marche ! Les anglais créèrent quelques années plus tard le “Sheffield Silver Steel”, qui bien que ne contenant pas d’argent, donnait aux lames un aspect beaucoup plus beau et brillant.

Les lames auparavant fines et pointues se mirent à s’élargir petit à petit, mais elles n’avaient pas encore de crochet. Le dos s’épaissit, mais la ligne du tranchant se confondait encore avec la soie une fois arrivé au talon. Comme nous l’avons vu précédemment, les perruquiers avaient besoin de rasoirs plus larges et la production a suivi. Les nez des rasoirs étaient presque toujours droits, mais la fin du XVIIIe siècle voit l’arrivée des différentes variantes que l’on connaît encore aujourd’hui, la plus marquante étant le nez “Barber’s Notch”. Au tournant du siècle, une entablure commence à apparaître, marquant de mieux en mieux un écart au talon entre le tranchant et la soie. Le partie opérationnelle du rasoir commence alors à bien se dissocier du reste du rasoir. Les utilisateurs individuels ont vu le développement d’un ergot vers 1815, puis d’un véritable crochet dépassant du rasoir fermé.

Autour de 1820 sont développés en France les premiers rasoirs à lame de rechange et les premiers rasoirs à baguette. Visuellement très proches, ils marquent une belle révolution dans la fabrication des coupe-choux. On peut dire que les rasoirs à lame rapportée (les fameux framebacks) sont un peu les ancêtres de la shavette moderne !

Coupe-choux historique : rasoir à baguette Edwards - Angleterre, chasses en écaille de tortue et rivets en or, entre 1830 et 1837.
Rasoir à baguette Edwards – Angleterre, chasses en écaille de tortue et rivets en or, entre 1830 et 1837.

Les avancées technologiques et industrielles en Europe furent telles que le reste du monde préféra importer de bons rasoirs, plutôt que d’investir dans une technologie qu’ils ne maîtrisaient pas et une main d’œuvre coûteuse. C’est la raison pour laquelle il n’existe pratiquement pas de rasoirs non européens ou américains.

Les dernières avancées

Le XIXe siècle a été l’âge d’or du rasoir droit, car il a vu toutes les avancées industrielles et marchandes qui ont permis au coupe-choux d’aboutir à sa forme quasi finale. Les dernières évolutions verront des avancées plutôt pensées pour faciliter la vie de l’utilisateur, plutôt que des améliorations de la qualité des productions.

La première moitié du XIXe siècle verra apparaître des rasoirs “papillon” à deux lames, des coffrets contenant plusieurs rasoirs (semainiers, paires, saisonniers…), des coffrets contenant un seul manche mais plusieurs lames qui se clipsent. Ces différentes présentations permettaient de toujours avoir un rasoir prêt à servir, et de laisser les autres “se reposer” jusqu’à ce qu’on ait le temps de les affiler tous d’un coup. Vers 1825, on commence à creuser les lames, pour affiner les lignes et certainement gagner en légèreté.

Les rasoirs sont de plus en plus marqués de diverses inscriptions, les chasses sont de plus en plus décorées et de plus en plus cintrées. Les années 1870 verront l’arrivée des premières matières synthétiques pour les chasses. Le celluloïd, premier plastique artificiel, permettra au fabricant non pas d’imiter à moins cher les matières naturelles bien connues des utilisateurs, mais plutôt de proposer des couleurs folles et des formes moulées, tout à fait originales et inattendues. De nouvelles matières arrivées durant la période art déco permettront elles aussi de libérer la créativité des fabricants.

La fin du XIXe siècle verra la démocratisation des lames toujours plus évidées, les lames pleines étant de plus en plus boudées par les clients. La nouvelle technologie permettant cet évidement fut développée à Solingen, capitale de la coutellerie allemande. C’est au début du XXe siècle que la technologie est maîtrisée et que les rasoirs sont les plus aboutis. On arrive même à faire “sonner” les lames les plus fines ! C’est certainement la dernière grande avancée de l’histoire du coupe-choux.

La fin de l’histoire du coupe-choux ?

Durant la Seconde Guerre mondiale, la pénurie de matériaux força les fabricants à utiliser des matériaux plus pauvres, ou ne vieillissant pas bien. Certains mauvais celluloïds faisaient rouiller les lames, la galalithe (plastique à base de lait) s’effritait si trop au contact de l’eau (ce qui arrive souvent pour un rasoir…), et d’autres plastiques se déformaient avec la chaleur ou au fil du temps.

L’arrivée du rasoir de sûreté entre 1905 et 1910, puis du rasoir électrique à la fin des années 1920, mirent un sacré coup à la production de coupe-choux dans le monde entier. Heureusement certaines colonies avaient encore de la demande pour des rasoirs de qualité, ce qui a pu aider certains grands fabricants comme Thiers-Issard à survivre à ce changement. Mais la demande à l-bas aussi vite montré ses limites. Les plus grands fabricants, dont l’activité était diversifiée, ont pu opérer un changement d’opération salvateur. Beaucoup de petits artisans ou d’entreprises familiales par contre n’ont pas eu d’autre choix que de cesser leur activité.

Mais l’histoire du coupe-choux n’est pas finie ! Certains fabricants historiques sont toujours là (Thiers Issard, Dovo, Giesen & Forsthoff…). La mode des barbes taillées, la réflexion globale sur le soin masculin, l’envie de revenir aux sources, le constat que beaucoup d’évolutions n’ont pas amené que du bon ; toutes ces approches et bien d’autres ont permis au coupe-choux de regagner en intérêt. Les acteurs historiques mais également d’autres petits nouveaux (Ricardo Tonarini, Paul Auguste, Ertan Suër…) ont de belles choses à raconter et à apporter à l’histoire du coupe-choux.

En savoir plus sur le coupe-choux :

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